Eduardo Montagut
Dans cet article, nous souhaitons faire écho à la conférence que le socialiste français Jean Jaurès a donnée à Bruxelles au printemps 1894.
Dans cette pièce, nous voulons écho à la conférence que le député socialiste français, figure clé du socialisme tant en France qu’à l’international, Jean Jaurès, a donnée à Bruxelles au printemps 1894, que nous connaissons grâce aux pages de «Les Dominicales du Libre Pensée» dans leur numéro du premier mai de cette année-là.
Le sujet principal de cette conférence était la démonstration de la relation entre le socialisme et la liberté, étant donné que, comme l’expliquait l’orateur, on considérait que le premier était la négation de la seconde. Mais en outre, il voulait expliquer tout cela hors des frontières françaises pour souligner le caractère international du socialisme, juste dans un contexte où des ouvriers belges, étiquetés socialistes, étaient expulsés de France.
Jaurès avertissait que pendant que les travailleurs belges étaient expulsés, les ouvriers français étaient enfermés.
En effet, Jaurès avertissait que pendant que les travailleurs belges étaient expulsés, les ouvriers français étaient enfermés. Tout cela avait réussi à unir les différentes factions du socialisme français. À ce moment-là, on tentait de promouvoir l’affrontement entre les travailleurs de différents pays, d’où la nécessité de proposer l’internationalisme des ouvriers comme moyen de mettre fin aux luttes entre travailleurs de différents pays. À l’international de l’exploitation devait s’opposer l’international de l’émancipation. Mais cette internationale n’était pas contraire à l’autonomie des nations ni à leur propre existence. Jaurès en profitait pour faire une réflexion historique sur l’unité de l’Humanité. En arrivant à la Révolution française, il rappelait qu’elle avait tenté la même chose, mais sous la défense de la liberté, elle avait laissé intactes les inégalités sociales.
Socialisme et liberté selon Jaurès
Mais, conformément à l’internationalisme, il fallait lutter pour la paix, ce qui nécessitait de mettre fin à la lutte des classes par la suppression de celles-ci. C’était là le but du socialisme.
C’était bien cela, le socialisme cherchait à mettre fin aux affrontements, à cesser les guerres, toujours dans la recherche de l’unité humaine mentionnée, et qui n’avait pas été atteinte en raison de l’existence des antagonismes économiques, donnant à certains la propriété des instruments de travail et du produit du même.
Les socialistes ne voulaient pas la domination d’un peuple sur un autre, ni l’existence d’aucun César dominateur.
Le socialisme était internationaliste mais respectueux de la souveraineté nationale de chaque pays
Le socialisme était internationaliste mais respectait la souveraineté nationale de chaque pays, les particularités historiques de chacun. Ainsi, par exemple, l’organisation s’était développée en Angleterre à partir des Trade-Unions, alors qu’en Belgique prévalait «l’ancien esprit de compagnonnage» face à la tradition républicaine française. En somme, le socialisme se réaffirmait dans sa diversité. Une fois l’Humanité émancipée, les peuples resteraient.
Il y aurait un monde de nations libres avec le même souffle de bien-être, mais sur la «diversité des jardins».
De même que seul le socialisme pouvait réaliser la liberté des peuples, seul le socialisme pouvait offrir la liberté des producteurs dans l’ordre économique. Les adversaires du régime collectiviste affirmaient qu’il serait fatal pour la liberté du travail, la liberté de consommation et l’initiative individuelle. Mais Jaurès se demandait si dans le système économique dominant il y avait réellement liberté de travail pour celui qui devait, pour survivre, se soumettre aux conditions de celui qui l’embauchait. Dans le contrat, il n’y avait pas d’égalité. La société obligeait l’homme à travailler sinon il voulait être expulsé ou poursuivi.
Jaurès et les maîtres français
Mais, de plus, une fois imposée l’obligation du travail, il l’avait obligé à le chercher. S’il trouvait du travail, il passait à être exploité par un capitaliste, s’il ne le trouvait pas, il était poursuivi. Mais il n’y avait pas non plus de liberté de consommation. En réalité, il n’existait que la liberté de consommation du produit du travail des prolétaires.
Les socialistes étaient accusés, comme nous l’avons évoqué, de tenter de mettre fin à l’initiative privée ou individuelle, mais Jaurès se demandait si elle existait vraiment dans le système dominant, où régnaient deux oligarchies, la politique et l’économique, toutes deux d’une classe. L’initiative individuelle n’était pas dans un travailleur exploité des heures et des heures dans un atelier, dans une mine ou dans une fonderie parce que, de plus, l’ouvrier n’était pas admis dans la direction des entreprises, n’étant qu’une machine humaine ajoutée à celle de métal.
Les socialistes ne prétendraient pas supprimer la liberté privée. Dans la proclamation de la souveraineté économique de la nation n’allait pas implicite la suppression du pouvoir économique de l’individu
Les adversaires du socialisme affirmaient aussi que les socialistes voulaient remplir le monde d’administrateurs et de fonctionnaires, mais déjà la bourgeoisie le faisait dans le processus de concentration capitaliste.
Les socialistes ne prétendraient pas supprimer la liberté privée. Dans la proclamation de la souveraineté économique de la nation n’allait pas implicite la suppression du pouvoir économique de l’individu. Ce que l’on prétendrait, c’était éliminer l’exploitation de l’homme par l’homme, étant remplacée par la souveraineté de la nation. Les socialistes cherchaient la liberté complète de la pensée contre l’accusation qu’ils prétendraient bâillonner toutes les consciences. Ce qui était certain, c’est que les socialistes auraient des idées essentielles. Elles étaient les suivantes :
- la nation devait être souveraine sur le plan économique. Il fallait reconnaître les services que le capitalisme avait offerts à la société, mais on était arrivé à un moment où le paiement de ses services était devenu très coûteux.
- le capitalisme serait remplacé par une société collective, qui ferait payer moins cher une plus grande quantité de services.
Quand le socialisme aurait obtenu la justice sociale, il y aurait liberté pour tous pour trouver les formules du développement humain.
En attendant, il y aurait deux formules : liberté pour les esprits, et justice sociale pour les hommes.