«Don Quichotte» contre les endriagues modernes

Après avoir quitté le palais des ducs et retrouvé son avisé écuyer Sancho Pança, le Chevalier à la Triste Figure décida que ce serait Rossinante, comme au début, qui fixerait la route ; et Dieu voulut, ou bien le hasard, le destin ou le désir du noble animal, que les hommes et les bêtes prennent le chemin qui mène au Rocher de Gibraltar. Alors Sancho se souvint d’un étrange songe et dit à Don Quichotte :

— Monseigneur, il y a quelques nuits, alors que nous étions encore en terres du royaume d’Aragon, j’ai rêvé la chose la plus étrange qu’on puisse rêver… que les hérétiques anglais s’étaient emparés du Rocher de Gibraltar et disaient qu’il faisait partie de l’Angleterre.

Don Quichotte éclata d’un grand rire et lui dit, après un moment :

— Il n’y a que vous, qui n’avez pas une once de sel dans la caboche, à qui il peut arriver de rêver pareille extravagance, Sancho. Pour qu’un tel impossible advînt, il faudrait d’abord qu’il n’existât pas un seul chevalier errant dans toute l’Espagne, que toute la Mer Océane se desséchât et que les hommes volassent comme des oiseaux. Et je vous conseille, Sancho, de ne répéter à personne ce songe de folie et de déraison, car il pourrait se faire qu’on vous prît pour un fou ; il est propre aux fous de dire, faire et rêver des folies. Ils poursuivirent leur chevauchée, bien que Sancho demeurât la tête basse et pensât en lui‑même qu’il n’avait jamais entendu dire que l’on pût rêver à volonté, et il avait toujours cru que les rêves étaient libres comme le vent.

Ils avançaient paisiblement, sans hâte, lorsqu’ils aperçurent la côte méditerranéenne, déjà en Andalousie, et subirent une sorte de tempête de sable, mêlée de vents violents, de pluie, et aspergée d’embruns marins, avec force éclairs et tonnerres, qui effrayèrent bêtes et gens. Quand cessa ce phénomène étrange et prompt, et que se dissipa le nuage humide de poussière et de sable, se rendit visible à notre chevalier et à son écuyer, tout effrayés, un étrange essaim de pèlerins de la mer qui descendaient en hâte de plusieurs embarcations bondées et près de sombrer. À cause de la nuit, bien qu’assez atténuée par la pleine lune, ils ne pouvaient encore discerner avec précision l’identité de cette foule insolite et joyeuse, qui criait de bonheur de toucher terre, s’agenouillait pour l’embrasser, ou élevait ses bras et ses prières vers le ciel en signe de gratitude pour avoir échappé à un naufrage possible et mortel. Vers eux se dirigea notre paire ambulante, lorsque Sancho s’écria, plus apeuré et bouleversé que quelques minutes auparavant, à la vue des terribles éclairs et à l’ouïe des tonnerres assourdissants :

— Les musulmans de toute obédience nous envahissent, monseigneur Don Quichotte ! Nous devons courir prévenir les officiers du Roi, afin d’appeler aux armes tous les chrétiens de cette contrée et de toute l’Espagne ; il semble que cette gente de guerre fasse partie de l’avant‑garde d’une grande armée ennemie, monseigneur ! — s’exclama‑t‑il, alarmé.

— Ne soyez pas si pusillanime, Sancho, car ce ne sont point gens de guerre ! Et s’ils l’étaient, mon bras vigoureux suffirait à les mettre en fuite ou à leur faire mordre la poussière de la défaite, fût‑ce une armée plus grande que celle qu’Hannibal de Carthage amena ; mais il n’en est rien, peureux Sancho ! — répliqua énergiquement Don Quichotte. — Ne voyez‑vous pas les nombreuses femmes et enfants qui composent la moitié, sinon davantage, de la foule qui vous effraie ? Ce sont de tristes reliques de quelque ville détruite par la guerre, comme Troie par les farouches Grecs, ou des victimes de quelque terrible endriague allié à quelque méchant enchanteur.

— Quoi qu’il en soit, monseigneur, la prudence commande de retourner donner l’alerte ; car c’est là bien du monde et nous ne savons pas avec certitude qui ils sont, d’où ils viennent ni ce qu’ils cherchent ici ; ils ne sont pas chrétiens, cela est évident à leurs habits et à leurs couleurs, car là, plus que des Maures, olivâtres et cuivrés, j’en vois bien des noirs, — ajouta Sancho.

— Maures, noirs, Tartares, ou qui qu’ils soient, Sancho, ce sont des hommes et, pour cela, nos frères en Dieu ; et Dieu ne fait pas de distinctions, et par conséquent nul ne doit en faire ; car tous les hommes avons été créés par Dieu à son image et ressemblance ; et c’est pourquoi, Sancho, les sages du monde savent que Dieu est de toutes les couleurs et parle toutes les langues, — expliqua simplement Don Quichotte.

— Et les femmes aussi Dieu les fit, d’une côte d’Adam, et c’est pourquoi elles doivent obéissance éternelle aux hommes, ainsi que je me souviens l’avoir entendu dire au curé du village, — dit Sancho, présomptueux de sa bonne mémoire et de ses savoirs.

— Ne soyez pas niais, Sancho ! Et ne dites plus de sottises ! Ne comprenez‑vous pas que Dieu parle en paraboles ? La côte d’Adam signifie que tout homme est incomplet sans une femme, non que la femme soit une chose appartenant à un homme ou lui doive une obéissance servile ; Dieu créa hommes et femmes libres et égaux en droits, comme enfants de Dieu qu’ils sont et ont toujours été. Ou ignorez‑vous que Doña Isabel de Castille fut notre reine catholique, et que la marquise Doña Isabel Barreto, adelantada et découvreuse des îles Marquises dans l’océan Pacifique, fut notre première amirale ? — le corrigea Don Quichotte.

— Je l’ignorais, monseigneur, comme j’ignore lire et écrire. Quoique Dieu pourrait bien se passer de ses « péraboles » et parler clair et sec, appeler le pain pain et le vin vin ; tout serait plus simple et nous éviterions les querelles, car je ne comprends pas ce besoin de tout compliquer, et voyez où nous en sommes, — grogna Sancho, rabroué.

— Tu dis bien, Sancho, et dès que je le pourrai je ferai part de tes recommandations au Pape lui‑même qui est à Rome, — lui répondit gaiement Don Quichotte. — À présent, approchons‑nous de ces gens, au cas où ils auraient besoin de ma défense et de mon secours.

Cela dit, ils hâtèrent le pas et se trouvèrent bientôt devant une multitude de près d’un demi‑millier de migrants stupéfaits, en quête de vie et d’asile en Espagne ou dans quelque autre nation d’Europe. Ils arrivaient d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. C’étaient des Latino‑Américains, des Arabes, des Noirs, des Bédouins et des gens de bien d’autres lieux ; des hommes, des femmes et des enfants de divers pays, couleurs, langues et religions, unis par l’espérance commune de sauver leur vie et d’avoir un avenir dans une société civilisée, démocratique et respectueuse des Droits de l’homme. Ils fuyaient guerres, massacres, esclavage, famines, violences, discriminations, ou de cruelles dictatures de tyranneaux ou de fanatiques politiques ou religieux. C’étaient des émigrants en exode au XXIᵉ siècle, qui se trouvèrent soudain face à un fantastique chevalier errant du XVIIᵉ siècle et à son écuyer, et dont le principal souci était de ne pas être dénoncés à la police de l’immigration. Beaucoup ne parlaient pas l’espagnol, bien que presque tous sachent qui étaient Don Quichotte et Sancho Pança. Les Hispano‑Américains étaient, paradoxalement, ceux qui comprenaient le moins ce qui se passait. Mauvais moment, pensèrent beaucoup, pour voir surgir deux acteurs ou deux fous déguisés en Don Quichotte et Sancho.

Don Quichotte interrogea plusieurs des hispanophones et conclut qu’ils étaient des étrangers en quête de refuge, à l’exception des nombreux chrétiens des Indes, sujets du Roi ayant plein droit de s’installer et de vivre en Espagne pour être eux aussi espagnols ; tous toutefois craignaient la Sainte Hermandad et les armées du Roi, mais ils redoutaient plus encore les effroyables endriagues et diaboliques enchanteurs qu’ils fuyaient, laissant derrière eux leurs maisons, biens et affections, racines, terres, fleuves, mers, cieux et amis ; leurs patries arrachées par de si maléfiques êtres infernaux. Don Quichotte estima nécessaire de défaire tels torts, d’autant que, dans des parties des Indes, il existait des endriagues diaboliques et des magiciens enchanteurs usurpant le gouvernement royal ; et il s’adressa à la foule dans l’attente, du haut de sa propre monture, depuis la selle de son maigre Rossinante, et d’une voix grave, bien timbrée et sonore, il prononça ce court discours :

« Pauvres braves gens venus de la mer en quête de refuge et d’abri : je suis le Chevalier des Lions, Don Quichotte de la Manche, chevalier errant et paladin d’Espagne, et en son nom et au nom de ma Dame Dulcinée du Toboso, je vous souhaite la bienvenue en ces terres qui sont l’Espagne et je vous accorde asile, protection et secours. Je vous offre un refuge fraternel et complet. N’ayez crainte de la Sainte Hermandad ni des armées du Roi — que vous appelez Migration, Police, Garde civile, ou comme vous voudrez nommer ceux qui servent la Couronne — car mes prérogatives et facultés de chevalier errant m’autorisent à vous donner ma protection, et notre Roi l’entend et l’entendra ainsi, en vertu des saintes lois de la chevalerie errante. J’étends ma protection à vous tous, hommes, femmes et enfants, de tout âge, couleur et condition, que vous soyez croyants en Dieu unique et véritable ou que vous viviez encore dans l’erreur, c’est‑à‑dire que vous soyez chrétiens, juifs, musulmans ou païens des Indes ou d’Afrique, de la Tartarie, de Trébizonde, de la Colchide, de la Chine, des Antipodes ou de n’importe quelle autre région du monde ; car nous sommes tous enfants de Dieu, et il est de mon devoir de chevalier errant d’obéir à ses commandements de justice divine au‑dessus de toute loi seulement humaine ; par conséquent, désormais, vous êtes tous libres et égaux, peu importe si, dans vos royaumes d’origine, vous étiez esclaves ou serfs.

Et comme il faut en finir avec le mal dans son nid, voyant que vous êtes gens faibles, pacifiques et sans défense, et que vous méritez ma protection pour tant d’endurance, accomplissant mes devoirs de chevalier errant — protéger et soutenir les faibles, les veuves, les orphelins, les femmes, les enfants et les vieillards, les affamés, les nécessiteux, les asservis, les opprimés et les injustement persécutés — je vous fais connaître ma résolution inébranlable de voyager vers chacun des royaumes étrangers d’où vous venez ainsi que vers les Royaumes des Indes concernés, qui font partie de la Couronne d’Espagne ; et vous autres Indiens qui êtes parmi vous êtes donc Espagnols et non étrangers, et vous êtes ici chez vous ; afin, par mon bras puissant et mon épée irréfutable, d’en finir avec la caterve d’endriagues démoniaques, de malins magiciens enchanteurs, de cruels scélérats, géants et malandrins qui usurpent vos infortunés royaumes et républiques, selon les nouvelles que vous‑mêmes m’avez communiquées. J’extirperai, par l’acier tolédan de ma lance invincible et de mon épée mortelle, les endriagues infernaux, géants orgueilleux et maléfiques enchanteurs qui exercent de si infâmes jougs sous les titres de dictateurs, chefs suprêmes, présidents, premiers ministres, premiers, secrétaires du parti, caudillos, caciques, gamonales, caïmacans, qu’ils soient éternels, viagers, perpétuels, provisoires ou temporaires, ou comme voudront se nommer, s’affubler ou se faire appeler ces monstrueux scélérats, malandrins et canailles. Rien ne pourra contre moi ces vils délinquants, dévastateurs des champs et des villes, que vous appelez voleurs du Trésor public, ni leurs sbires, mercenaires et bourreaux déguisés en juges, policiers ou soldats, ni les assassins, tortionnaires, charlatans et démagogues.

Mon épée affûtée et trempée viendra à bout de tous, quand bien même ils seraient plus redoutables et pervers que les Trente Tyrans d’Athènes et, félons, feraient usage de leurs armes, artifices, pièges, tromperies et balivernes. Je ne laisserai marionnette avec sa tête, et maître Pierre en est témoin véritable de ma constante conduite. Quand vos royaumes ou républiques seront délivrés de l’opprobreuse et vile canaille, et morts les abominables tyrans et châtiés leurs vils suppôts, vous déciderez si vous rentrerez ou non sur la terre de vos pères, ou si vous adopterez une nouvelle patrie pour vous et vos enfants. Je ne vous demande, en échange de cette prodigieuse prouesse que je tiens pour faite et accomplie, qu’une chose : à la première occasion qui se présentera, une fois satisfaites vos nécessités de pain, toit et vêtement, présentez‑vous devant ma Dame Dulcinée du Toboso et remerciez‑la du bien que je vous fais aujourd’hui en son beau nom et à l’honneur de l’Espagne, et informez‑la de mon absence temporaire. Et puisque nous sommes aujourd’hui mardi, et que je pars à l’instant par cette même mer qui vous a amenés en Espagne — qui vous reçoit avec fraternité chrétienne, et, pour ceux d’entre vous qui êtes indianos, c’est‑à‑dire Espagnols des Indes de la Mer Océane, comme des fils légitimes — ce dimanche je vous prie d’adresser en mon nom une prière au Très‑Haut, à Dieu tout‑puissant, qui est un seul, peu importe comment vous le nommez, afin qu’il m’accorde la victoire sur chacun des félons parjures que je renverrai en enfer, ou qu’il m’accorde une mort digne au combat ; car il est écrit que je reviendrai triomphant avec mon épée invaincue, implacable et justicière, ou bien ma sépulture sera dans les Indes espagnoles ou en terre étrangère. »

Tous les émigrés le regardaient avec curiosité et stupeur, et gardèrent le silence devant la solennité de ses paroles, même ceux qui ne parlaient pas espagnol, car ils ressentirent l’émotion qui étreignait l’instant ; sauf Sancho, qui, anxieux et préoccupé, demanda :

— Et moi, monseigneur Don Quichotte, dois‑je aller aussi en ce long et périlleux voyage vers des terres inconnues et contre tant d’ennemis malfaisants et puissants ?

— Les chevaliers errants, Sancho, nous bataillons : nous ne comptons pas les ennemis. J’affronterai tous les périls, quels qu’ils soient. Et vous ne porterez que mon écu et mes armes quand il en sera besoin, — lui répondit impassible Don Quichotte.

— Mais, monseigneur, avec tant d’ennemis, c’est aller à une mort certaine ! — répliqua Sancho.

— Certaine, non ; presque certaine, et de cette différence je me tiens pour vainqueur ! — dit encore impassible Don Quichotte. Et il ajouta :

— Sancho, lorsque la gravité du mal nous impose de lutter, il n’importe de vivre ou de mourir : l’important est de lutter, et je dois lutter pour eux, parce que je suis fort, valeureux, habile aux armes et aguerri, et que cela entre dans mes devoirs de chevalier errant. Et eux sont bien faibles et ne peuvent appliquer le juste remède, ou ne savent pas que, contre de tels monstres, le meilleur remède est l’implacable épée. Et les scélérats, en outre, souillent aux Indes les gloires de l’Espagne. Quoique, je dois le reconnaître, Sancho, je dispose de tous les avantages et je vaincrai sûrement, parce que j’ai foi en Dieu, que la cause est juste et que ma dame Dulcinée du Toboso m’inspire et rend mon bras invincible. En tout cas, Sancho, mourir nous échoit à tous, — ajouta Don Quichotte, puis il marcha, imperturbable, s’embarquer avec Rossinante et ses armes sur l’une des frêles et étranges embarcations qui avaient amené les migrants. Sancho cessa de penser et le suivit, car il ne pouvait le laisser partir seul. De plus, au besoin, il s’assurerait que Don Quichotte, qui aime tant l’Espagne, eût sépulture en son sol sacré, ou bien ils seraient deux à avoir leur tombe en terre étrangère. Et tandis que l’embarcation qu’avaient abordée le chevalier et l’écuyer fendait les vagues, une épaisse brume les enveloppa et l’embarcation, avec tous ses occupants, hommes et bêtes, disparut ; tout se passa en quelques secondes, sous les yeux écarquillés des centaines de personnes qui se trouvaient sur la plage. Les émigrés qui ne parlaient pas espagnol observèrent la scène ahuris, stupéfaits. Ceux qui parlaient la langue de Cervantès regardèrent, émerveillés, et se demandèrent, déconcertés, comment il avait été possible que deux grands personnages littéraires du XVIIᵉ siècle, créés par le génial Miguel de Cervantès et protagonistes du meilleur roman du monde, les eussent accueillis sur une plage d’Espagne en une nuit inconnue du XXIᵉ siècle, après une longue, précaire, clandestine et dangereuse traversée. Et puis ils disparurent comme par l’art des enchanteurs.

Mario Raimundo Caimacán

  • Related Posts

    Cuentos comentados: «El aljófar» de Emilia Pardo Bazán

    Rosa Amor del Olmo Los devotos de la Virgen de la Mimbralera, en Villafán, no olvidarán nunca el día señalado en que la vieron por última vez adornada con sus joyas y su mejor manto y vestido, y con la…

    Halma, troisième partie

    1 Si don Manuel Flórez avast commencé ses visites au mystique vagabond don Nazario Zaharín pour faire plaisir à sa maîtresse et souveraine, la comtesse de Halma-Lautenberg, bientôt il les refit pour son compte et sa satisfaction personnelle, parce que,…

    Deja una respuesta

    Tu dirección de correo electrónico no será publicada. Los campos obligatorios están marcados con *

    ARTÍCULOS

    Flotillas para Gaza detenidas en octubre de 2025: contextos, actores y reacciones internacionalesIntroducción

    Flotillas para Gaza detenidas en octubre de 2025: contextos, actores y reacciones internacionalesIntroducción

    El papel educativo del cine y la Sociedad de Naciones

    El papel educativo del cine y la Sociedad de Naciones

    La dimensión laboral en la Historia de la arquitectura por Gabriel Pradal

    La dimensión laboral en la Historia de la arquitectura por Gabriel Pradal

    Fernando de los Ríos y el homenaje a Joaquín Costa en la República

    Fernando de los Ríos y el homenaje a Joaquín Costa en la República

    “L’Associació Obrera de Concerts de Pau Casals”

    “L’Associació Obrera de Concerts de Pau Casals”

    El Gobierno recupera los fondos de la Logia Añaza para el Templo Masónico de Tenerife

    El Gobierno recupera los fondos de la Logia Añaza para el Templo Masónico de Tenerife

    España en 1890: noticias destacadas

    España en 1890: noticias destacadas

    Benito Pérez Galdós: pilar del periodismo hispanoamericano

    Benito Pérez Galdós: pilar del periodismo hispanoamericano

    La semilla que prendió: Pablo Iglesias visto por Eduardo Montagut

    La semilla que prendió: Pablo Iglesias visto por Eduardo Montagut

    La lengua gallega: patrimonio cultural en la encrucijada lingüística

    La lengua gallega: patrimonio cultural en la encrucijada lingüística

    La OIT y los trabajadores intelectuales (1926)

    La OIT y los trabajadores intelectuales (1926)